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Les maths en plein air au secondaire : comment s’y prendre ?

Secondaire

Introduction

Un témoignage de Marika Perrault

« Quoi, un cours de mathématiques en plein air ? » 

Croyez-moi, je l’ai entendue plusieurs fois cette phrase-là dans les dernières années ! Plusieurs s’étonnent que ce soit possible d’y arriver, surtout au secondaire. Et pourtant, cette pratique d’enseignement est remplie de bienfaits. Je peux vous confirmer que chaque sortie « Maths en plein air » a suscité des réflexions intéressantes auprès de mes élèves, mais il est vrai que ça vient aussi avec son lot de défis. Dans cet article, je vous expliquerai comment vous y prendre pour que les activités extérieures soient enrichissantes pour vos élèves et accessibles pour vous comme enseignant.

Comment faire des maths en plein air

élèves faisant de la géométrie à l'extérieur

Cela peut sembler simple de se dire qu’on va aller faire un cours de maths dehors, mais il faut garder en tête qu’il y a plusieurs façons de voir cette démarche. La Fondation Monique-Fitzback, un pilier au Québec en matière d’apprentissage à l’extérieur, suggère trois types d’intention pour les enseignants qui souhaitent se lancer dans cette approche.

Les 3 intentions

En ce qui me concerne, si je sortais, c’était parce que cela nécessitait qu’on soit à l’extérieur de l’école. Il fallait que chaque activité trouve son sens en plein air. Et j’ajouterais qu’aux yeux de la direction et des collègues, c’est important aussi si on veut être pris au sérieux dans notre démarche. Ce n’est pas que l’approche « reproduire » soit à bannir, je l’ai fait quelques fois, mais je pense qu’il est important d’aller rapidement rechercher les bénéfices d’être à l’extérieur.

C’est ainsi que, lors d’une première sortie au début septembre, nous sommes allés au parc près de l’école. Mon intention était de réviser la résolution d’équations et les formules d’aire des polygones. Bien entendu, je n’ai pas annoncé le tout ainsi ! Les élèves avaient pour mission d’estimer l’âge d’un arbre de leur choix dans le parc. Avec la circonférence du tronc mesurée à une distance d’un mètre et demi du sol, il est possible de connaître le diamètre de l’arbre par la résolution de l’équation C=πd. Ensuite, les élèves pouvaient estimer l’âge de l’arbre en multipliant ce diamètre par 2,5.

élèves mesurant la circonférence d'un arbre

Dans un deuxième temps, les élèves devaient estimer le mieux possible l’aire d’un bosquet de fleurs dans le parc. Évidemment, le bosquet n’avait pas la forme parfaite d’un polygone, comme dans un cahier d’exercices. Certains élèves ont jugé que la forme la plus proche était celle d’un trapèze, d’autres ont choisi un rectangle. Certains élèves ont plutôt choisi un demi-disque. Bref, lors du retour en classe, il a été possible de réviser les formules d’aire de plusieurs figures géométriques importantes. Les idées des élèves m’ont amené plus loin que si j’avais imposé une figure géométrique en particulier, ce qui m’a permis de leur partager dès le début de l’année une valeur essentielle : être créatif en mathématiques et ne pas forcément suivre un chemin tracé d’avance. Et c’était là, pour moi, un autre avantage indéniable de faire les mathématiques en plein air.

Au niveau du matériel, je demande généralement une trace écrite du travail des élèves, donc je fournis une tablette pince-feuille à chaque équipe de trois élèves. Aussi, comme il y a généralement des mesures à prendre, je prévois des rubans à mesurer de construction pour les grandes distances et des rubans à mesurer souples, du genre qu’on utilise en couture, pour les petites distances et les courbes (comme dans l’activité sur la circonférence des arbres). Je recommande aussi aux élèves d’apporter un crayon à la mine par équipe (surtout quand il fait plus froid, car l’encre des stylos pourrait geler), de même qu’une calculatrice, selon la tâche à réaliser.

Donc, lorsqu’on se demande comment faire les mathématiques à l’extérieur, il faut simplement se demander ce qu’on veut que nos élèves apprennent, et en quoi ce qui se trouve dans la nature peut servir cette intention.

Où faire des maths en plein air

Faire des maths dans la cour d'école

De plus en plus d’écoles se dotent de classes extérieures depuis la parution de l’ouvrage Penser la cour de demain (2021) par le Lab-École. 

Ces classes ont sensiblement la même disposition qu’une classe intérieure, soit des bancs ou des pseudos-pupitres, et peuvent avoir l’allure d’un petit amphithéâtre. Cela peut être optimal si notre intention est de reproduire ce qu’on fait en salle de classe dans une approche de cours magistral, pour y aller progressivement et se donner confiance dans un nouveau lieu d’enseignement. Pour ma part, ce que je recherchais avant tout pour me lancer dans l’enseignement en plein air, c’était de définir un lieu extérieur qui suscite des apprentissages pertinents pour mes élèves, de faire en sorte que la nature vienne bonifier les apprentissages et que les tâches à réaliser dehors se distinguent de ce qu’on fait habituellement en classe intérieure. J’ai donc fait du repérage autour de l’école, dans la cour, autour des bâtiments, et j’ai cherché aussi les parcs à proximité de l’école (moins de 10 minutes de marche). J’ai tenté de trouver le meilleur lieu pour chacune de mes sorties. 

En début d’année, j’aimais bien l’idée d’être au parc avec les élèves pour profiter de l’air frais, de l’ombre des grands arbres et de la végétation. Je voulais aussi modéliser rapidement le comportement des élèves lors des déplacements et le savoir-être dans un lieu vaste et naturel (gestion des déchets, respect de la flore, etc.). Je me suis aussi inspirée de mes observations au fil des saisons pour trouver d’autres lieux pour mes sorties. 

Élève notant ses idées à l'extérieur

En hiver, la grande butte de neige au milieu de la cour m’a permis d’imaginer l’activité « Chaudières de neige » où les élèves devaient effectuer différents remplissages afin de modéliser la fonction de variation inverse (plus il y a d’élèves qui remplissaient les chaudières, moins cela prenait de temps à les remplir). En plus, le fait d’être proche de l’école par temps froid est un aspect pratique, car l’activité ne durait pas toute la période et il était possible de rapidement retourner en classe pour finir l’activité. 

Dans le choix de l’endroit, il faut aussi penser que les autres élèves de l’école suivent leur cours en classe et peuvent être distraits par ce que vivent les élèves en plein air. Il est donc judicieux de choisir un emplacement éloigné des fenêtres.

 

En résumé, mon conseil concernant le meilleur lieu pour faire les maths en plein air, c’est qu’il n’y en a pas ! Chaque endroit a ses avantages : parfois, c’est bien d’être près de l’école, car l’activité sera courte, mais c’est tout aussi bien d’aller dans un parc si la tâche mathématique l’exige ou que la durée de la tâche à réaliser vaut le déplacement. En fin d’année, lorsque j’ai interrogé les élèves, ils m’ont assuré avoir préféré les sorties au parc.

Quand faire des maths en plein air

Je ne vous surprendrai pas en vous disant que les sorties sont facilitées par le beau temps. Ceci dit, nul besoin d’attendre la météo parfaite : la clé est de faire preuve de flexibilité dans sa planification. 

En novembre dernier, les températures étaient chaudes et ensoleillées, j’ai donc modifié ma séquence d’apprentissage pour en profiter et j’ai devancé une sortie sur l’aire des solides. À l’inverse, la pluie est venue bousiller mon activité « Pythagore on the floor » avec des triangles tracés à la craie sur l’asphalte pour un de mes quatre groupes. Ces élèves avaient si hâte, mais ils ont dû attendre une semaine avant de pouvoir faire l’activité. 

Quand on veut enseigner dehors, il faut s’attendre à ne pas avoir le contrôle sur l’environnement. Les élèves vivent des apprentissages pour la vie en développant leur flexibilité et leur capacité d’adaptation. Notons que les sorties hivernales doivent aussi être adaptées : il est optimal de faire des sorties plus courtes et sensibiliser les jeunes à l’habillage. Avoir quelques mitaines de secours dans un sac à dos peut s’avérer très pratique pour ces chers adolescents !

En conclusion, bien que plusieurs études m’avaient déjà persuadé d’oser la pédagogie en plein air, je suis convaincue que faire vivre les mathématiques dehors avec les élèves comporte plus d’avantages que d’inconvénients. 

 

Avec une douzaine de sorties à mon actif auprès de plus de deux cents élèves de classes régulières en troisième secondaire, j’ai pu constater leur engagement pour la grande majorité et leur créativité dans les activités extérieures proposées. Cela vaut facilement les défis que peuvent représenter la météo et la coordination/organisation des activités avec le reste de l’équipe-école. Je termine en vous partageant les activités que j’ai créées, et en vous invitant également à partager les vôtres le plus possible via les médias sociaux, afin que plus d’élèves puissent goûter aux mathématiques partout autour d’eux et en plein air !

Autrice
Marika Perrault
Enseignante de mathématiques au secondaire

Un peu plus sur l'autrice

Marika Perrault est enseignante de mathématiques au secondaire dans une école publique de la Rive-Sud de Montréal. De 2018 à 2022, elle a également accompagné plusieurs enseignants du primaire et du secondaire comme conseillère pédagogique en mathématiques. Elle a aussi enseigné quelques années dans un collège privé de Montréal, alors qu’elle complétait en parallèle une maîtrise en mathématiques, profil didactique. Ses intérêts en éducation sont variés et complémentaires, allant des tâches créatives à la pédagogie en plein air, en passant par l’intégration des technologies. Passionnée de l’apprentissage, Marika Perrault souhaite offrir une variété d’occasions de développement à ses élèves et adore partager ses outils aux nombreux collègues allumés qui croisent sa route.

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