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Comment enseigner la grammaire au secondaire ?Comment enseigner la grammaire au secondaire ?
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3 pistes pour enseigner la grammaire au secondaire à l’aide de la littérature jeunesse

Secondaire

Introduction

« Le participe passé employé avec l’auxiliaire être s’accorde en genre et en nombre avec le sujet. » 

 

Vous l’avez répété des milliers de fois à vos élèves. Mission accomplie ? Ce n’est pas ce que vous constatez à la correction de leur dernière situation d’écriture. Mémoriser une règle de grammaire ne signifie pas savoir l’utiliser correctement. Avez-vous déjà songé à utiliser la littérature jeunesse pour concrétiser ces apprentissages ? À vos marques, prêts, sortez vos cartes de bibliothèque !

Pourquoi utiliser la littérature jeunesse ?

Utiliser la littérature jeunesse pour enseigner la grammaire

Lorsqu’il est question de grammaire, les élèves du primaire et du secondaire revoient les notions d’une année à l’autre en les approfondissant davantage. Bien que des nuances soient apportées et que de nouveaux contenus viennent s’intégrer aux anciens, les élèves ont la déplaisante impression de revoir sans cesse les mêmes choses. Mettons-nous dans la peau d’un élève avec des défis d’apprentissage, qui peine depuis son primaire à appliquer correctement des règles grammaticales. Sauteriez-vous de joie à l’idée de faire une énième feuille d’exercices sur les fonctions syntaxiques ou les participes passés ? Probablement pas ! 

 

D’abord, l’utilisation de la littérature jeunesse amène un côté ludique à un enseignement largement considéré comme ennuyeux par les élèves. C’est aussi une excellente façon d’apprendre des notions de façon contextualisée, en plus de pouvoir enrichir le répertoire littéraire des élèves, leur faire découvrir de nouveaux auteurs et réinvestir leurs habiletés à apprécier des œuvres. De plus, l’évolution de la vision de la grammaire devrait également faire évoluer nos pratiques. Pour favoriser la compréhension, nous devrions insister sur le sens de la grammaire ainsi que sur son application dans des situations concrètes et authentiques ; situations qu’offrent les romans et albums. 

 

Fini, le temps où la grammaire n’était qu’une présentation d’exceptions morcelées ! Utiliser la littérature jeunesse est l’occasion de choisir les textes ou les extraits à présenter aux élèves. Offrez-leur du contenu qui correspond à leurs intérêts, à leurs besoins et à leur pointure de lecteur. 

Construction de la phrase et groupes de mots

Le fait d’utiliser des œuvres littéraires permet d’exposer les élèves à des phrases riches et variées, où l’auteur met en pratique des procédés pour donner une profondeur et une authenticité à son propos, ce qui n’est pas réellement le cas dans les exercices d’un manuel de grammaire. On peut s’amuser à reprendre le style de l’auteur et jouer avec ses phrases en demandant aux élèves d’identifier certains constituants de la phrase, certaines classes de mots, des groupes de mots ainsi que leurs fonctions syntaxiques, puis de les déplacer, retirer ou modifier. 

 

En plus de l’analyse grammaticale, les élèves peuvent également utiliser les phrases de l’auteur pour en faire une réécriture : ils les transforment à leur guise, en toute liberté. On peut également les analyser, déterminer l’ordre de ses constituants et demander aux élèves de les transformer en respectant cette construction. 

 

À ce propos, je vous recommande vivement l’article du blogue J’enseigne avec la littérature jeunesse qui aborde la notion de la phrase-mentor, qui soutient le développement des compétences en rédaction de phrases complexes avec une syntaxe adéquate. Bénéfique pour les élèves rencontrant des difficultés d’apprentissage notamment.

Les types et formes de phrases

À l’aide d’albums ou de romans, on part à la découverte des types et formes de phrases, selon les directives données. L’enseignante peut sélectionner elle-même différentes phrases coups de cœur d’un livre, puis mettre en lumière les caractéristiques communes par un enseignement explicite. Les dialogues que l’on retrouve dans les livres permettent également de revoir la conception de la phrase. Au primaire, les élèves apprennent à identifier la phrase graphique par sa majuscule au début et son point à la fin. Au fil du temps, cette conception s’approfondit en abordant les phrases à construction particulière ou les subordonnées, qu’on retrouve beaucoup dans les livres. 

 

Finalement, les œuvres littéraires permettent d’aborder le choix des types et formes de phrase : chacune possède son propre sens et son propre effet. On détermine le type et la forme à utiliser en fonction de notre intention d’écriture. C’est donc important de le faire comprendre aux élèves pour qu’ils soient aptes à faire eux-mêmes ces choix lorsqu’ils écrivent !

 

Shaun TAN, Cigale, France, Gallimard Jeunesse, 2019.                                                             

Shaun TAN, Cigale, © Éditions Gallimard Jeunesse. Tous les droits d'auteur de cet extrait sont réservés. Sauf autorisation, toute utilisation de celui-ci autre que la consultation individuelle et privée est interdite. www.gallimard-jeunesse.fr

 

 Marion ARBONA, À travers les fenêtres, Québec, Les 400 coups, 2022.        

Marion ARBONA, À travers les fenêtres, Québec, Les 400 coups, 2022.                                                              

 

 

Les œuvres sans texte

Les œuvres sans texte sont très utiles pour mettre en pratique des notions grammaticales directement en situation d’écriture. D’abord, les élèves n’ont pas à faire un plan exhaustif de leurs idées : les illustrations nourrissent cette réflexion. En utilisant les images, l’enseignante peut demander aux élèves de réfléchir à des groupes de mots qui décrivent ce qu’ils observent, les émotions des personnages, les lieux présentés, etc. Selon l’enseignement en cours, on peut s’attarder à un groupe de mots en particulier et demander à varier sa composition. Il est ensuite logique de prendre du temps pour analyser les diverses fonctions de ces groupes, que les élèves n’auront même pas eu conscience d’écrire. 

 

Pour varier, on peut ensuite demander d’énoncer ou d’écrire une phrase complète qui relate l’action de l’extrait. Les élèves peuvent aussi utiliser les images pour raconter l’histoire, en utilisant un système verbal précis, et pour travailler l’harmonisation des temps verbaux. C’est aussi possible de faire ressortir ce système verbal en analysant un extrait d’une œuvre avec texte.

 

Avec les œuvres sans texte, c’est aussi possible de demander aux élèves d’écrire en équipe un court texte qui relate l’histoire, selon certaines contraintes grammaticales spécifiées par l’enseignante. Cette activité leur permet non seulement d’appliquer leurs connaissances grammaticales, de valider leur niveau de compréhension de l’œuvre, mais aussi d’en discuter avec un pair et de partager leurs réflexions à ce propos. C’est l’occasion parfaite pour eux d’utiliser le métalangage ! 

                                                                 

Tan, Soubiran © Dargaud, 2024     

 

David WIESNER, Le monde englouti, France, Éditions Circonflexe, 2007.

David WIESNER, Le monde englouti, France, Éditions Circonflexe, 2007.

Petit rappel : respecter l’intention de l’œuvre utilisée

La littérature jeunesse est remplie de possibilités didactiques et puissantes, autant pour les petits que pour les grands. Il ne faut pas perdre de vue que les auteurs et autrices ne conçoivent pas leurs œuvres pour en faire une version 2.0 d’un manuel de grammaire. Lorsque vous utiliserez votre dernier livre coup de cœur pour enseigner une notion, réservez un moment avant même le début de votre séquence pour l’apprécier avec vos élèves. Discutez des illustrations, du message, des dialogues, des émotions que ça suscite chez vous et lisez ensemble quelques pages. 

 

Lorsque vous appréciez une œuvre, n’abordez même pas la grammaire, oubliez la progression des apprentissages. Savourez simplement le travail des auteurs. C’est ainsi que les élèves peuvent véritablement développer un intérêt pour la lecture : par des moments positifs, où ils ne sentent pas qu’ils doivent performer. 

 

Timothée DE FOMBELLE, Quelqu’un m’attend derrière la neige, France, Gallimard Jeunesse, 2019.

Timothée DE FOMBELLE, Thomas CAMPI, Quelqu’un m’attend derrière la neige. © Éditions Gallimard Jeunesse. Tous les droits d'auteur de cet extrait sont réservés. Sauf autorisation, toute utilisation de celui-ci autre que la consultation individuelle et privée est interdite. www.gallimard-jeunesse.fr

Pour aller plus loin

Références bibliographiques ou sources citées
  • Léger, V. (1996). Pourquoi renouveler l’enseignement de la grammaire ? Québec français, (102), 32–34.
  • Fisher, C. & Nadeau, M. (2003). Renouveler à la fois la grammaire et son enseignement. Québec français, (129), 54–57.
  • Là où vont nos pères : Shaun TAN, Là où vont nos pères, France, DARGAUD, 2007.
  • Le monde englouti : David WIESNER, Le monde englouti, France, Éditions Circonflexe, 2007.
  • Shaun TAN, Cigale, France, Gallimard Jeunesse, 2019. 
  • Marion ARBONA, À travers les fenêtres, Québec, Les 400 coups, 2022.
  • Timothée DE FOMBELLE, Quelqu’un m’attend derrière la neige, France, Gallimard Jeunesse, 2019.
Laurence Arcouette, Orthopédagogue à l'Institut des troubles d'apprentissage
Laurence Arcouette
Orthopédagogue à l'Institut des troubles d'apprentissage

Un peu plus sur l'autrice 

 

Laurence évolue depuis toujours dans le domaine de l’éducation, comme orthopédagogue ou enseignante en adaptation scolaire. Elle a travaillé auprès d’une multitude de clientèles, allant de la déficience intellectuelle à l’autisme, en passant par le Parcours de formation axée sur l’emploi et les défis d’apprentissage. Les apprenants en difficulté sont ceux qui lui tiennent le plus à cœur. 

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